Du Frioul au Languedoc, une émigration heureuse

Je vais vous raconter l’histoire de la famille de Roland Segatti, un ami de mes parents dont le
grand-père, Luigi, a émigré en France.
Luigi est arrivé au début de l’année 1963. Il a émigré avec un contrat de travail dans le secteur du
bâtiment en tant que coffreur-ferrailleur, métier qu’il exerçait déjà en Italie.
À l’époque Luigi a effectué le voyage seul, en voiture. Après quelques années, ses deux fils l’ont
rejoint, Florido (le père de Roland) et son frère ; ils avaient respectivement dix-neuf et dix-huit ans.
Les autres membres de la famille étaient encore trop jeunes pour s’expatrier.
Les Segatti sont originaires du village de Forni di Sotto (660 habitants) dans la province d’Udine,
au Frioul. Ils sont venus en France dans l’espoir d’améliorer leur niveau de vie grâce à un meilleur
salaire. Au début, Luigi a travaillé dans les environs de Grenoble puis à Vienne (Vaucluse) et en
Haute-Savoie. D’ailleurs les paysages de montagnes lui rappelaient ses Alpes italiennes, ce qui l’a
aidé à faire une transition « en douceur » entre l’Italie et la France. Dans ces régions, l’offre de travail
dans le secteur du bâtiment était importante : édification de barrages et création de complexes. En
1964, Luigi est parti travailler en Languedoc pour construire les ponts de l’autoroute reliant Nîmes
à Montpellier. À cette époque, le reste de la famille est venu le rejoindre et s’est installée en France.
Puis il a participé à la construction de la station balnéaire de la Grande Motte et de ses pyramides.
Avant d’émigrer Luigi bénéficiait d’un contrat de travail ; le transfert de l’Italie à la France n’a pas
été difficile car dans ces conditions les visas étaient accordés automatiquement. Cependant il n’a été
naturalisé que vingt ans plus tard dans les années quatre-vingt.
À son arrivée en France il ne connaissait pas le français, il l’a appris sur le tas, au travail. La
présence d’autres travailleurs italiens a mené à la formation de petits clans d’Italiens. Pourtant,
l’intégration n’a pas été difficile, en effet, Luigi, ainsi que ses deux fils, ont été très bien accueillis et
c’est pour cela qu’ils se sont par la suite installés en France, à Lunel.
À l’époque les moyens de communication n’étaient pas aussi développés qu’actuellement : Luigi
communiquait avec sa famille par télégrammes ou par téléphone mais ces derniers n’étaient accessibles
que dans les postes, les bars ou les épiceries. Ce n’était pas tous les jours que l’on communiquait avec
l’Italie mais seulement pour annoncer des événements importants.
Ce transfert de l’Italie vers la France n’a donc pas été vécu comme un traumatisme par les Segatti
car ils savaient que, grâce à leurs contrats de travail en France, ils partaient pour une vie meilleure.
Luigi a tellement apprécié son pays d’adoption que lui et sa famille ont décidé de s’y installer. C’est
d’ailleurs près de Lunel que la grand-mère de Roland a terminé sa vie, en 2011. Ainsi si c’était à refaire
ils renouvelleraient l’expérience sans hésiter.
Roland a encore de la famille dans la région du Frioul et il lui rend visite régulièrement. Le
maintien de la tradition italienne reste très important pour lui et sa famille, par exemple, quand
Roland est avec son père Florido, ils parlent le patois du village natal de Luigi. De plus, la famille de
Roland maintenant installée en France maintient les traditions italiennes par la cuisine par exemple.
Mais continuer à cuisiner à l’italienne, quand le grand-père de Roland est arrivé en France, n’était pas
si facile car les ingrédients typiques italiens n’étaient pas aussi disponibles que maintenant.
La famille de Roland a décidé de s’installer en France, elle a très vite créé des liens solides avec
les Français. On peut donc qualifier cette émigration « d’émigration heureuse ».