Verso un nuovo cammino

Verso un nuovo cammino

La personne que j’ai choisie d’interroger est une fille italienne née le 14 janvier 1988, qui s’appelle Alice et que je connais maintenant depuis plus de trois ans. Nos chemins se sont croisés grâce à notre travail en commun. Alice est assistante sociale auprès d’une association pour laquelle je travaille moi-même en tant qu’interprète et nous avons eu l’occasion de nous rencontrer plusieurs fois, non seulement pour des sujets concernant le travail, mais aussi autour d’un verre comme deux bonnes amies.
J’avais décidé de faire l’interview en italien, pour la mettre à l’aise face à des questions parfois personnelles, mais très spontanément Alice a commencé à me répondre en français, comme si elle voulait me montrer que la langue française était désormais une deuxième langue maternelle pour elle.

De nature très vive et souriante, elle n’a pas eu de difficultés à répondre à toutes mes questions, même si parfois la discussion se transformait en fou rire, ou en moments de nostalgie où je la sentais se perdre dans ses pensées. J’ai pu découvrir une partie de son passé, revivre des étapes de son chemin vers l’étranger, surtout vers la France, et tout cela a rendu notre relation encore plus belle. Merci !
Pour commencer j’ai choisi cette photo d’elle non seulement parce qu’elle a été prise juste avant qu’elle parte d’Italie, pendant qu’elle profitait une dernière fois des superbes plages de son pays, mais aussi pour ceux qui vont lire ce dossier et qui ne la connaissent pas, parce que c’est une photo qui la décrit parfaitement telle qu’elle est : simple, souriante, pleine de vie…
Notre interview a commencé comme une discussion entre deux personnes qui se font confiance et elle prenait plaisir à me parler de son pays, de sa famille et n’hésitait pas à me donner des détails, ce qui a rendu notre échange encore plus intéressant et précieux à mes yeux. Elle m’a raconté qu’elle n’avait jamais voyagé en dehors de l’Italie auparavant, mais qu’elle avait toujours rêvé de découvrir de nouvelles cultures et de nouveaux endroits.
Quand elle a terminé sa licence à Milan, le désir de voyager est devenu persistant et, aussi influencée par certains de ses amis, elle a décidé de partir à l’étranger. Ils n’avaient pas de plan, mais seulement une folle envie de changer d’environnement, avec l’espoir de trouver des opportunités. Pourquoi pas le travail parfait et bien payé dont tout le monde rêvait ? Ou pourquoi pas trouver l’âme sœur ? Ils ont donc planifié de partir en Espagne et ensuite au Portugal, pour choisir le pays qui leur convenait le plus. Elle se rappelle avoir été très heureuse, mais se séparer de sa famille lui brisait le cœur. Pour elle, le plus beau moment avant le voyage fut lorsqu’ils partirent tous ensemble profiter une dernière fois des plages de son pays, des plages de la belle Calabre. Elle savait qu’en Espagne et au Portugal il y avait des plages aussi, mais selon elle il n’y a pas plus grand bonheur que celui que l’on ressent quand on est chez soi.
Son voyage commença enfin en juillet 2008. Elle resta deux mois dans chaque pays mais l’envie de continuer à en visiter d’autres persistait, comme si quelque chose manquait en elle. Durant cette période, elle fit la connaissance de deux Françaises qui lui proposèrent de lui faire visiter la France et sans hésiter elle partit pour arriver à Montpellier le 13 décembre 2008. Comme Alice parlait déjà un peu l’espagnol et le portugais, elle n’avait pas eu beaucoup de problèmes à s’intégrer et à se faire des amis, chose qu’elle a trouvée très difficile à réaliser en France, à cause du fait qu’elle ne parlait pas la langue.
« Je suis quelqu’un de très positif qui arrive à s’adapter partout, mais cette fois je sentais que j’étais vraiment loin de mon pays, plus rien n’était pareil ! » Si dans d’autres pays elle avait pu trouver ce côté chaleureux comme en Italie où les gens parlent fort, sont tactiles et très expressifs, en France elle l’avait complètement perdu. L’envie de rentrer chez elle lui a traversé l’esprit plusieurs fois, mais la seule raison qui l’a convaincue de rester était le travail qu’elle a maintenant : assistante sociale auprès des mineurs isolés étrangers. En effet, après un stage de six mois, le président de l’association a beaucoup apprécié le fait qu’Alice ait su apprendre très vite la langue française et qu’elle en parle d’autres et il lui a proposé un travail fixe à Montpellier. Enfin ses efforts avaient payé ! Les heures passées à parler en français avec des gens qu’elle ne connaissait parfois même pas lui ont permis d’apprendre et de s’intégrer à une vitesse qu’ellemême n’avait pas imaginée. Elle rigole en disant : « Peut-être que je suis tout simplement douée pour les langues. En tout cas j’ai adoré travailler avec ces personnes et j’étais très heureuse d’avoir ce travail. De plus, je sentais qu’aider ces mineurs étrangers qui étaient loin de chez eux, un peu comme moi était vraiment ce dont j’avais besoin et ce que je devais faire. Je ne regrette pas du tout. »
Elle est devenue un peu plus mélancolique au moment où je lui ai demandé si sa famille lui manquait, si elle arrive à garder le lien avec eux. L’absence de sa maman Lucia lui est parfois insupportable, elle passe des heures au téléphone avec elle ou avec son père Mauro. Elle n’a pas de frère et sœur, ce qui ne facilite pas la tâche à ses parents qui ont leur seul et unique enfant loin de chez eux. Le côté positif est que, quand elle rentre pour les voir, elle a les bons plats de sa maman pour elle toute seule. « C’est super non ? » dit-elle en souriant.

Depuis presque huit ans maintenant Alice vit à Montpellier. Sans regret, elle dit qu’elle est heureuse de ses choix. Son voyage lui a permis de grandir, d’apprendre à vivre loin de sa famille et de sa culture et bien évidemment d’apprendre à en apprécier d’autres même si elles sont parfois différentes de celle dont elle a l’habitude.
Parfois quand je rentre dans son bureau, je la vois travailler sur l’ordinateur avec les écouteurs dans les oreilles et la musique italienne à fond. Parfois le matin je la vois préparer son café italien, qu’elle a ramené d’Italie, et je la vois toujours m’accueillir avec un grand câlin chaleureux à l’italienne. C’est justement ça que j’adore chez elle, la force pour s’adapter dans un pays différent du sien, mais aussi ce côté purement italien qu’elle a fièrement gardé en elle…
Pour conclure, voici une photo de son dernier voyage en Italie avant de venir en France, qu’elle a ellemême imprimé pour ne jamais oublier ces beaux souvenirs.

Ce qu’elle trouve qui a changé depuis en Italie

En ce qui concerne l’aspect social et économique, comme la plupart des Italiens, Alice pense que la vie en Italie devient de plus en plus dure. Surtout en tant que jeune, en comparant aussi sa situation avec celle de ses amis restés en Italie, elle pense que c’est dur de trouver un travail après ses études. Le plus souvent les seuls emplois proposés aux jeunes sont à durée déterminée, très souvent mal payés ou pas déclarés.
Ce n’est pas mieux pour les personnes âgées qui ne peuvent toucher leur retraite que de plus en plus tard, celleci diminuant aussi d’année en année. Tout cela devient encore plus compliqué lorsque des étrangers débarquent en masse sur les côtes italiennes en espérant une vie meilleure et un travail. En Italie en ce moment en entend souvent : « Rentrez chez vous, ici il n’y a plus de travail ».
De plus, les médias italiens, qui sont souvent des instruments de la politique, ne font apparaître que les informations qui leur conviennent en provoquant la haine et le racisme. Ce qui a aussi beaucoup changé selon elle, c’est le fait que l’État s’est énormément détaché de l’Église qui n’a plus autant d’ampleur, surtout sur les mentalités. Les gens sont plus libres d’exprimer ce qu’ils pensent et sont plus ouverts d’esprit envers la figure et le rôle de la femme, mais surtout envers l’homosexualité, qui était auparavant un sujet tabou en Italie.
Pour conclure, même si Alice n’est partie que depuis huit ans de son pays, elle trouve que ce dernier change à une vitesse remarquable, et pas forcément toujours en mieux. Malgré tout, elle se dit chanceuse de vivre dans une époque où voyager est beaucoup plus facile qu’auparavant et où on peut regarder de près ce qu’il se passe dans notre pays d’origine.

Megi Hoxha, 2016

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